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Assistance administrative en matière fiscale

Le bilan mitigé sur l’échange automatique d’informations

Bien que le droit fiscal soit gouverné par le principe de la territorialité, la plupart des transactions économiques s’opèrent à l’heure actuelle dans un espace mondial. Les conflits entre les prétentions fiscales de plusieurs États deviennent de plus en plus fréquents et la nécessité d’une collaboration accrue entre les États en vue d’éviter les doubles impositions, mais aussi les doubles non-impositions, devient primordiale.

Au sein de l’Union européenne (UE), la Directive européenne sur la fiscalité des revenus de l’épargne de 2003, suivie par l’adoption en 2010 du régime FATCA, constituent la première étape vers l’échange automatique d’informations. Mais c’est surtout la Directive 2011/16/UE (DCA1) qui marque le tournant dans la coopération administrative des États membres en matière de fiscalité directe. Cette directive permet l’alignement des normes de l’UE avec l’art. 26 par. 4 et 5 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, ainsi que l’introduction de trois formes d’échange d’informations, à savoir i) l’échange d’informations sur demande, ii) l’échange d’informations automatique pour cinq catégories de revenu et de capital, et iii) l’échange d’informations spontané.

En vertu de l’art. 3 par. 9 de la DCA1, l’échange automatique d’informations est « la communication systématique, sans demande préalable, d’informations prédéfinies, à intervalles réguliers préalablement fixés, à un autre État membre ». Il se distingue ainsi des deux autres formes d’échange par son caractère obligatoire et son champ d’application plus large. L’échange automatique d’informations se présente également comme le paroxysme de la lutte contre la fraude fiscale et la soustraction d’impôts.

Suite à l’adoption de la DCA1, plusieurs modifications ont suivi afin d’élargir le champ d’application de l’échange automatique d’informations. D’abord, la Directive 2014/107 (DCA2) inclut dans l’échange automatique les dividendes, les intérêts et le solde des comptes déclarables à la fin de l’année. Ensuite, la Directive 2015/2376 (DCA3) élargit l’échange automatique aux décisions fiscales anticipées en matière transfrontalière et aux accords préalables en matière de prix de transfert. La Directive 2016/881 (DCA4) ajoute les déclarations pays par pays concernant les groupes d’entreprises multinationales. Enfin, la Directive 2016/2258 (DCA5) garantit aux autorités fiscales un accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent.

La Commission européenne a publié le 17 décembre 2018 un rapport sur l’utilisation réelle qui est faite des informations transmises dans le cadre de l’échange automatique d’informations. Ce rapport se fonde sur l’art. 8 ter par. 2 de la DCA1 et porte sur la mise en œuvre de la DCA1, de la DCA2 et de la DCA3. Une évaluation des autres formes de coopération administrative est par ailleurs en cours de préparation par la Commission.

Le bilan dressé par la Commission européenne dans son rapport est loin d’être satisfaisant. L’échange automatique d’informations entraîne une forte augmentation de la quantité des données que les administrations fiscales doivent traiter, alors que leur capacité de traitement de ces données n’augmente pas au même rythme. Les coûts liés à la collecte des données, au développement des systèmes informatiques et à la mise en place d’un outil de correspondance automatique des données reçues avec celles déjà disponibles au niveau national sont très élevés. À cela s’ajoute la difficulté pour les États membres de quantifier les avantages monétaires directs issus de l’échange. Le rapport précise que l’échange automatique d’informations ne se résume pas nécessairement à des recettes fiscales supplémentaires.

Outre les États membres, les institutions financières doivent également engager des dépenses pour adapter leurs systèmes informatiques. Les coûts ponctuels liés à la mise en œuvre de la DCA2 sont estimés à environ EUR 340 millions, tandis que les coûts annuels s’élèvent à EUR 120 millions. Les coûts supportés par les États s’élèvent à EUR 45,4 millions. Toutefois, il n’existe pas d’estimation chiffrée de la charge administrative supportée par les contribuables devant se conformer aux obligations de déclaration de la DCA2.

Il est également difficile à déterminer l’utilisation réelle qui est faite des données transmises. Trois États membres, la Bulgarie, Malte et la Slovaquie, déclarent ne pas avoir consulté les documents reçus. Parmi ceux qui les ont consultés, l’Allemagne et le Luxembourg indiquent ne pas avoir encore utilisé les informations obtenues en 2017 au titre de la DCA1 et de la DCA2. L’Italie a utilisé les informations de façon limitée, en particulier pour des campagnes de sensibilisation.

Parmi les avantages liés à l’échange automatique, l’effet dissuasif pour les contribuables est très important. Selon le Forum mondial, les déclarations volontaires ont généré près de EUR 85 milliards de recettes fiscales supplémentaires. Ce chiffre couvre toutefois la totalité du champ d’application de la norme commune de déclaration (NCD) et pas uniquement les échanges intra-européens en vertu de la DCA2.

Pour améliorer l’échange automatique d’informations, le rapport préconise une amélioration de la qualité des informations. D’abord, les États expéditeurs doivent vérifier la qualité des informations qu’ils collectent avant de les transmettre. Ensuite, les États destinataires doivent fournir un retour « constructif » aux États expéditeurs. Le rapport recommande aussi une meilleure exploitation des données reçues par les États membres. Or, cela suppose une augmentation des effectifs de l’administration fiscale. Quel en sera le coût pour les contribuables ? Il serait opportun que la Commission européenne prenne en considération ce paramètre.