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Blockchain

Infrastructure des marchés financiers : vers la création d’une nouvelle catégorie d’autorisation ?

Le 14 décembre dernier, le Conseil fédéral a publié son rapport « Bases juridiques pour la distributed ledger technology et la blockchain en Suisse ». Le secteur financier est très impacté par cette nouvelle technologie et fait ainsi l’objet d’une analyse approfondie dans le document.

Au nombre des défis pour la place financière helvétique, une attention particulière peut être portée à la nécessité d’un cadre réglementaire favorable à l’émergence d’infrastructures de négociation d’instruments financiers émis sous forme de Tokens. Cette évolution permet des effets inédits et novateurs de la blockchain dans le secteur financier. Il apparaît dès lors intéressant de nous concentrer sur cet aspect.

L’organisation de la négociation, le traitement de transactions sur valeurs mobilières ainsi que, dans une plus large mesure, l’infrastructure des marchés financiers suit une approche monolithique. En effet, la négociation est temporellement et structurellement séparée de la post-négociation. Cette approche a pour corollaire une volonté de séparation stricte des différentes infrastructures des marchés financiers. Si le but d’une telle structure repose indéniablement sur les piliers que sont la protection des investisseurs ainsi que l’intégrité, la transparence et la stabilité des marchés financiers, elle est avant tout le résultat direct de la manière dont le système financier classique a été conçu et réglementé. L’architecture des marchés financiers actuelle est articulée autour d’une intervention de différents acteurs, dont font notamment partie les plateformes et les systèmes organisés de négociation, les contreparties centrales, les dépositaires centraux ainsi que les référentiels centraux. La LIMF impose une séparation structurelle de ces différents acteurs dans la mesure où une personne morale ne peut exploiter qu’une seule infrastructure des marchés financiers.

Or, ceci posé, nous relevons que l’un des traits saillants de la technologie blockchain appliquée à l’infrastructure des marchés financiers se manifeste dans la capacité de fusionner dans une seule et même étape la négociation ainsi que la post-négociation. De même, la pierre angulaire de la technologie blockchain repose sur une décentralisation du système, laquelle offre aux parties prenantes la possibilité d’interagir entre elles sans l’intervention d’un intermédiaire. Cette nouvelle manière de concevoir l’architecture du système financier nécessite une analyse approfondie des conséquences de son adoption. Si la réglementation actuelle repose sur une approche fondée sur les entités –  la LIMF réglementant les différents acteurs de manière individuelle –  le glissement vers un système où les acteurs des marchés financiers opéreraient plusieurs activités pourrait nécessiter d’adopter une approche se concentrant plutôt sur les activités. Cependant, la technologie étant encore actuellement profondément immature, il n’est à ce jour pas possible de pouvoir cerner tous les tenants et aboutissants de l’adoption de cette technologie par les acteurs de la place financière suisse.

Dès lors comment concilier la protection du système financier, objectif poursuivi par la LIMF, avec le principe de neutralité technologique ainsi que le maintien de l’attractivité de la Suisse pour les projets en lien avec les nouvelles technologies ?

Le Conseil fédéral propose dans son rapport la création d’un nouveau type d’autorisation pour les infrastructures des marchés financiers en lieu et place d’un espace d’innovation. Cette proposition accorde une protection adéquate des intérêts des participants aux marchés financiers tout en permettant une adaptation rapide des infrastructures face aux nouvelles technologies. Il apparaît en effet opportun de pouvoir octroyer un assouplissement face à certains modèles d’affaires lorsque cela est jugé utile et justifiable d’un point de vue des risques. Une nouvelle catégorie d’autorisation propre à de nouvelles formes d’infrastructures des marchés financiers décentralisées pourrait voir le jour, dérogeant ainsi exceptionnellement au principe de la neutralité technologique. En substance, il s’agirait notamment de permettre l’accès à ces plateformes aux participants « retail », d’octroyer un régime de dérogation permettant de regrouper les activités de négociation et de post-négociation sous la même entité ainsi que d’imposer au titulaire de l’autorisation certaines des obligations applicables aux opérations sur valeurs mobilières dans la mesure où la négociation s’effectuerait sans l’intervention d’intermédiaires.

La FINMA se verrait également octroyer une large marge de manœuvre, ce qui lui permettrait d’imposer des exigences spécifiques au titulaire de cette autorisation en fonction de la spécificité des services proposés. Ce dernier élément est particulièrement intéressant : il est l’outil indispensable pour permettre à la place financière suisse de pouvoir rapidement s’adapter aux avancées technologiques et proposer de nouveaux services. Cette dernière pourrait de ce fait maintenir à terme son dynamisme ainsi que son attractivité sur le plan international.