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Fondations de placement

La première révision de l'ordonnance est lancée

Le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur la révision de l’Ordonnance sur les fondations de placement (OFP). Un rapport explicatif accompagne l’avant-projet.

Les fondations de placement (Anlagestiftungen) sont des fondations au sens des art. 80 ss CC. Elles sont constituées pour la gestion et l’administration commune de la fortune de la prévoyance professionnelle (art. 53g al. 1 LPP). Le cercle de leurs investisseurs se limite aux institutions qui servent à la prévoyance professionnelle. La révision proposée de la réglementation se concentre sur (1.) l’extension des possibilités d’investissements et (2.) la prévention des conflits d’intérêts :

1. L’investissement des avoirs confiés aux fondations de placement fait l’objet de dispositions spécifiques dans l’OFP ; il obéit pour le reste aux règles de l’OPP 2. En la matière, les fondations de placement sont ainsi, pour l’essentiel, soumises aux mêmes règles que les institutions de prévoyance (leurs investisseurs). L’avant-projet étend les possibilités d’investissement des fondations de placement en autorisant de nouveaux dépassements des limites de placement de l’OPP 2 (limites par débiteur, limites par catégorie de placement et limites en matière de participation). Ces assouplissements se justifient : assujettir la fondation de placement et ses investisseurs aux mêmes règles de placement provoque dans certains cas une double diversification qui n’est pas nécessaire.

Selon le rapport explicatif, la modification des règles de placement vise aussi à adapter l’OFP à la situation économique actuelle (notamment aux faibles taux d’intérêt) et à éviter que les fondations de placement subissent des désavantages concurrentiels par rapport aux placements collectifs. Le niveau de détails des règles de placement est tel qu’il forcera le législateur à les adapter de façon régulière s’il souhaite effectivement répondre aux tendances du marché.

2. L’avant-projet hausse les exigences en matière de conflit d’intérêts, notamment en revoyant la composition du conseil de fondation, l’organe de gestion de la fondation de placement : (i.) il interdit d’y nommer les personnes chargées de la gestion, de l’administration ou de la gestion de fortune de la fondation, alors que le droit en vigueur l’autorise tout en limitant cette possibilité à un tiers du conseil ; (ii.) le fondateur, son successeur et les personnes qui entretiennent des liens économiques avec eux (société mère, sociétés sœurs, filiales ou sociétés sous contrôle économique) ne devraient plus représenter davantage qu’un tiers du conseil de fondation ; et (iii.) le droit (statutaire) du fondateur de nommer une minorité des membres du conseil est supprimé. L’interdiction (préexistante) faite au conseil de recevoir des instructions du fondateur est ancrée dans l’OFP. Il sera en outre précisé que la compétence d’adopter la réglementation interne, en particulier le règlement sur les conflits d’intérêts, revient en premier lieu à l’assemblée des investisseurs (et non au conseil de fondation). Le durcissement des règles légales sur les conflits d’intérêts fait écho à l’approche de l’autorité chargée de la surveillance des fondations de placement depuis 2012, la « CHS PP ».

Accentuer la séparation entre le fondateur et la fondation de placement signe un retour vers la conception classique selon laquelle le rôle du fondateur prend fin avec la constitution de la fondation. Après, le véhicule est réputé vivre sa propre vie (Trennungsprinzip). Dans les faits, le fondateur qui subsiste à côté de la nouvelle entité, par exemple l’entreprise qui crée une fondation de prévoyance pour ses employés, désire souvent garder une certaine influence sur son sort. L’évolution du droit et de la pratique a en conséquence assoupli le principe d’indépendance totale entre la fondation et son fondateur (cf. p. ex. art. 86a CC pour les fondations classiques). Le droit du fondateur de nommer une minorité des membres du conseil l’illustr(ait) pour les fondations de placement. La disparition de cette prérogative pourrait en conséquence diminuer l’attrait de ce véhicule.

Cela étant précisé, l’avant-projet abolit l’interdiction de sous-sous-déléguer certaines tâches du conseil de fondation et assouplit les conditions auxquelles la fondation de placement peut se doter de filiales dans sa fortune de base (composée pour l’essentiel de son capitation de dotation). Cette dernière atténuation fait peut-être écho au cas, porté devant le Tribunal fédéral, d’un groupe de fondations qui a dû se réorganiser à la suite de l’entrée en vigueur de l’OFP (ATF 143 V 208).

Souvenons-nous pour terminer que les fondations de placement sont une création des caisses de pension. Elles sont nées et se sont développées par la pratique. Depuis la réforme structurelle de la prévoyance professionnelle en 2012, elles font l’objet des art. 53g ss LPP. La loi délègue au Conseil fédéral la compétence d’édicter les dispositions d’exécution (art. 53k LPP) ; c’est sur cette base qu’il a arrêté l’OFP. Cette délégation législative semble fragile, au vu du fait que l’OFP comporte des dispositions importantes au sens de l’art. 164 al. 1 Cst. De telles règles devraient normalement figurer dans une loi et non dans une ordonnance. C’est le cas des prescriptions en matière de placement (cf. art. 53 ss LPCC pour les placements collectifs de capitaux). Les modifications proposées ignorent ces problèmes. Elles continuent en revanche à suivre la ligne choisie par le législateur qui consiste à codifier les solutions dégagées par la pratique.

L’auteure du présent commentaire a récemment publié une thèse intitulée Les fondations de placement : du droit privé au droit public, thèse Fribourg, Genève/Zurich/Bâle 2017.