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Projet de révision totale de l'OBA-FINMA

La FINMA entend concrétiser les devoirs d'identification de l'ayant droit économique

Le 11 février 2015, la FINMA a ouvert une procédure de consultation au sujet de la révision totale de l’OBA-FINMA. La révision vise à mettre en œuvre les Recommandations 2012 du GAFI ainsi que la loi fédérale sur la mise en œuvre des recommandations du GAFI adoptée le 12 décembre par les chambres fédérales. Elle touche plusieurs thématiques comme la nouvelle définition des PPE, la concrétisation de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique, l’allègement des obligations de diligence des établissements LPCC ou les mesures organisationnelles des intermédiaires financiers.

Dans le cadre de ce commentaire, nous nous concentrerons sur les principales nouveautés concernant la concrétisation de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique. Cette obligation fait partie du titre 5 de l’ordonnance intitulé : « dispositions spéciales applicables aux intermédiaires financiers visés à l’art. 2 al. 3 LBA qui sont directement soumis à la surveillance de la FINMA (IFDS) ».

Notion de détenteur de contrôle

Le projet de révision introduit à l’art. 2 lit. f OBA-FINMA la notion de « détenteur de contrôle ». La notion comprend « les personnes physiques qui sont les ayants droit économiques d’une personne morale exerçant une activité opérationnelle ou d’une société de personnes ». Elle tient compte de l’art. 4 al. 2 lit. b LBA qui oblige désormais les intermédiaires financiers à identifier l’ayant droit économique des personnes morales exerçant une activité opérationnelle. Contrairement à la loi, le projet ne se limite pas aux ayants droit économiques des personnes morales mais s’étend également aux ayants droit économiques des sociétés des personnes à l’exception des sociétés simples. Une telle extension ne s’oppose ni à la LBA ni aux Recommandations 2012 du GAFI.   

 Obligation d’identifier le(s) détenteur(s) de contrôle

Les IFDS sont tenus en vertu de l’art. 54 du projet d’identifier les détenteurs de contrôle d’une société opérationnelle (personne morale et société de personnes exerçant une activité opérationnelle) non cotée en bourse. Conformément à ce que prévoit l’art. 2 al. 3 LBA, les personnes suivantes doivent être identifiées en tant que détenteurs de contrôle :

  • les personnes physiques qui détiennent au moins 25 % des droits de vote ou du capital de la société (al. 1) ;
  • à défaut, les personnes physiques contrôlant la société d’une autre manière reconnaissable (al. 2) ; et
  • à défaut, la personne assumant la direction (al. 3).

Soulignons que lorsque la société opérationnelle est contrôlée par une autre société, les IFDS doivent identifier la/les personnes physiques qui contrôlent la société interposée.

L’art. 55 du projet, quant à lui, énonce les données que les IFDS doivent enregistrer à propos du détenteur de contrôle. Pour se conformer à cette obligation, les IFDS peuvent soit utiliser le formulaire E créé par l’ASB (ou un formulaire de contenu équivalent), soit enregistrer les données au moyen d’une confirmation écrite du cocontractant assurée à l’aide d’un extrait du registre du commerce indiquant les noms de détenteurs du contrôle (rapport explicatif, p. 28).

Enfin, l’art. 56 du projet prévoit une liste exhaustive des exceptions à l’obligation d’identification. Relevons en particulier que les intermédiaires financiers suisses qui ne sont pas soumis à une surveillance prudentielle n’y figurent pas.

Ayant droit économique des valeurs patrimoniales

L’ancien art. 49 al. 1 OBA-FINMA devient l’art. 57 al. 1 OBA-FINMA. Selon cette disposition, l’IFDS doit requérir du cocontractant une déclaration écrite indiquant l’identité de l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales lorsque le cocontractant n’est pas l’ayant droit économique ou lorsqu’il y a un doute à ce sujet. Elle ne s’applique désormais que lorsque le cocontractant de l’IFDS n’est pas une société opérationnelle. En revanche, si le cocontractant est une société opérationnelle, l’IFDS doit demander à cette dernière une déclaration sur l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales lorsque celui-ci n’est pas le détenteur du contrôle ou qu’il subsiste des doutes à cet égard (art. 57 al. 2 du projet). En effet, le détenteur du contrôle d’une société opérationnelle n’est pas nécessairement l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales. C’est par exemple le cas lorsque le cocontractant de l’IFDS est une société fiduciaire qui agit en son nom, mais pour le compte du client. Dans ce cas, c’est naturellement le client qui est l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales.

 Sociétés de domicile

Le projet d’ordonnance maintient le principe selon lequel l’IFDS doit toujours identifier l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales lorsque son cocontractant est une société de domicile (art. 61 al. 1 du projet). L’art. 61 al. 2 OBA-FINMA, quant à lui, prévoit des indices permettant à l’IFDS de présumer la présence d’une société de domicile. C’est ainsi le cas lorsque :

  • la société ne dispose pas de ses propres locaux, mais une adresse c/o, siège auprès d’un avocat, d’une société fiduciaire ou d’une banque ; ou
  • elle n’a pas de personnel propre.

Si, malgré la présence de l’un ou des deux indices susmentionnés, l’IFDS décide que le cocontractant n’est pas une société de domicile, il doit verser au dossier une note écrite décrivant les motifs de sa décision (art. 61 al. 3 du projet).

La disposition relative aux groupes organisés de personnes, trusts et autres patrimoines organisés ne subit pas de grands changements. Selon le projet, l’IFDS qui établit une relation d’affaires ou exécute une transaction en tant que trustee, doit désormais s’identifier en tant que tel vis-à-vis de l’intermédiaire financier, du cocontractant ou du partenaire de transaction (art. 62 al. 3 OBA-FINMA).

Commentaires

Le projet ne donne pas de définition générale de la notion d’ayant droit économique. Ce choix de renoncer à une définition est à notre avis délibéré. Il s’agit de couvrir toutes les situations dans lesquelles le cocontractant de l’intermédiaire financier n’est pas l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales. Selon les recommandations du GAFI, il s’agit de « la ou les personnes physiques qui en dernier lieu possèdent ou contrôlent un client et/ou la personne physique pour le compte de laquelle une opération est effectuée » (Cf. Glossaire des Recommandations 2012 du GAFI). Cette définition peut servir de source d’inspiration.

La reconnaissance de la qualité d’ayant droit économique aux sociétés opérationnelles constituait une des critiques émises à l’égard de la Suisse par les experts du GAFI. La nouvelle réglementation règle ce problème.

Pour terminer, on relèvera que la réforme devrait engendrer des coûts supplémentaires pour les assujettis, mais la nécessité de se conformer aux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent semble avoir pesé plus lourd dans la décision des autorités.