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Droit des sociétés

Interdiction des bons de participation pour les coopératives – cas Raiffeisen

Par décision 4A_363/2013 du 28 avril 2014, le Tribunal fédéral a interdit aux sociétés coopératives d’émettre des titres analogues aux bons de participation des SA.

Le groupe Raiffeisen, organisé sous forme de coopérative, avait prévu de créer un capital supplémentaire à la hauteur de 300 millions CHF, en émettant des titres entièrement libérés d’une valeur nominale de 100 CHF. Les titres étaient similaires aux bons de participation du droit de la SA, conférant à leurs propriétaires des droits financiers (notamment le droit à un dividende) sans pour autant avoir un droit de vote.

Par ordonnance du 17 octobre 2012, l’Office fédéral du registre du commerce a refusé la modification des statuts relative à ce moyen de financement. Selon l’Office, le droit actuel ne permettait pas la création d’un tel capital supplémentaire par l’émission des titres prévus.

Le 13 juin 2013, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours de la Raiffeisen (Arrêt B-617/2012), en autorisant la création d’un capital de participation. Selon les juges, le droit actuel présentait une lacune proprement dite qu’il fallait combler modo legislatoris. Dans son appréciation, le Tribunal s’est basé sur la doctrine majoritaire existant sous l’ancien droit (valable avant l’introduction d’une réglementation explicite du capital de participation dans les SA (Art. 656a ss CO)), selon laquelle les coopératives pouvaient recourir à de tels moyens de financement.

Le droit des coopératives en vigueur ne se prononce pas sur la création d’un capital de participation. La question était donc de savoir s’il s’agit d’un silence qualifié du législateur ou d’une lacune proprement dite.

Dans son analyse, le Tribunal fédéral s’est appuyé sur la réglementation des SÀRL. À l’heure actuelle, les SÀRL ne peuvent pas constituer un capital de participation. La question a été examinée lors de la révision de 2005, mais le législateur a expressément renoncé à introduire un tel moyen de financement. Ceci se justifie par le fait que la situation des participants est particulièrement précaire : ils participent au risque de la société sans pour autant pouvoir influencer l’activité sociale ou la composition des organes. Contrairement au droit de la SA, le droit de la SÀRL ne connaît pas des moyens de protection appropriés tels que le contrôle spécial. Le législateur a renoncé à un tel moyen pour limiter les frais dans ces sociétés. En outre, le caractère personnel de la SÀRL s’exprime notamment par la possibilité de participer à la création de la volonté sociale. Les bons de participation ne sont donc actuellement pas compatibles avec le droit de la SÀRL. Par conséquent, silence du législateur relatif à ce moyen de financement est un silence qualifié.

Contrairement aux SA, les sociétés coopératives se distinguent également par un sociétariat personnalisé. Les titres constatant les parts sociales n’ont pas le caractère de papiers valeurs (Art. 853 al. 3 CO). Leur transmissibilité est dès lors limitée. Les bons de participation à leur tour servent à capitaliser les SA sur le marché des capitaux. Ils sont donc difficilement compatibles avec le caractère personnel de la coopérative. De plus, la particularité du capital facultatif et variable (art. 828 al. 2 et art. 853 al. 1 CO) des coopératives ne permet pas une application analogue du droit de la SA dans ce domaine. Enfin, l’émission des bons de participation suppose l’existence des moyens de protection appropriés. À l’heure actuelle, le droit des coopératives ne connaît pas de tels mécanismes pour les participants.

À défaut d’une réglementation expresse tenant compte de ces particularités, le Tribunal fédéral ne pouvait pas autoriser l’émission des titres en question. Le droit des coopératives est exhaustif par rapport à la réglementation du capital social. Le silence du législateur dans ce domaine n’est, par conséquent, pas une lacune proprement dite, mais un silence qualifié. Ni l’autonomie prive, ni la liberté contractuelle des parties ne permettent aux coopératives d’introduire de tels instruments de financement sui generis.