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Banques d'importance systémique

Assainissement et liquidation : la FINMA prend position

Le 7 août 2013, la FINMA a publié un document de position concernant l’assainissement et la liquidation (resolution) des banques suisses d’importance systémique, qui sont actuellement actives à l’échelle internationale. Ce document de position s’inscrit dans le contexte de la problématique du « Too Big To Fail » et présente des stratégies efficaces de l’autorité suisse de surveillance visant à garantir l’assainissement ou la liquidation ordonnée d’un groupe bancaire et à limiter la menace du moral hazard. Par ailleurs, il correspond aux prescriptions du Conseil de stabilité financière et suit la direction de nombreuses autres autorités étatiques et supranationales.

Il faut rappeler que, suite à la crise bancaire de 2008 et au sauvetage d’UBS, la Suisse a mis en place un système législatif très développé en matière de procédures de crisis management visant explicitement les deux banques du pays ayant une importance systémique. Cette évolution est présente dans les modifications de la loi et de l’ordonnance sur les banques, ainsi que dans la nouvelle ordonnance sur l’insolvabilité bancaire.

Dans son document de position, la FINMA décrit une approche selon laquelle l’autorité de surveillance nationale coordonnera l’assainissement et la liquidation de la banque à l’échelle du groupe entier. La procédure devrait être imposée exclusivement à la société mère du groupe (banque ou holding) afin de préserver ses fonctions d’importance systémique et permettre à la majorité de ses filiales étrangères de poursuivre leurs affaires opérationnelles sans interruption notable (Single Point of Entry Approach en contraste avec le Multiple Point of Entry Approach, qui privilégie les scénarios de cloisonnement national avec des procédures isolées pour chaque entité du groupe bancaire). La FINMA a privilégié cette approche en prenant en considération la structure et le modèle d’affaires des deux grandes banques du pays, qui présentent une concentration et une intégration forte de leurs pratiques de financement intra-groupe et de leurs politiques de risk management. Cette approche s’aligne également avec les pratiques déjà adoptées par les autorités américaines et britanniques (voir Commentaire n° 851).

Sur un premier niveau, la FINMA devrait pouvoir imposer une procédure de bail-in afin d’infliger une conversion de fonds des créanciers en fonds propres et/ou une réduction directe de créances partielle ou totale avec l’objectif ultime de pouvoir ainsi mettre en place une recapitalisation des établissements concernés. Selon la FINMA, les deux grandes banques suisses disposent de couches de dette suffisantes pour supporter une telle procédure de bail-in. En outre, le bail-in permettrait à l’autorité de surveillance de gagner du temps afin de réorganiser les secteurs viables de la banque en crise et imposer un modèle d’affaires durable (open-bank resolution). La FINMA souligne que l’Union Européenne a adopté une position semblable en matière de bail-in en publiant fin juin 2013 un projet de directive sur la thématique « recovery and resolution ».

La pratique du bail-in serait soumise à trois principes fondamentaux : a) le respect de l’ordre de collocation des créanciers, mais ceci exclusivement dans les cas de conversion de fonds de tiers en fonds propres, b) le principe pari passu concernant le traitement équitable des créanciers du même rang et c) le principe « no creditor worse off », selon lequel les créanciers doivent recevoir, après la fin d’une procédure de liquidation, la même somme qu’ils auraient reçu si la banque avait été éventuellement mise en faillite.

Sur un deuxième niveau, et suite à l’échec du bail-in à restaurer la santé financière de la banque, la FINMA pourrait introduire un scénario de « closed bank resolution ». Les fonctions systémiques seraient ainsi préservées au moyen d’une banque-relai ou soumises à une procédure d’acquisition par d’autres établissements bancaires privés. Toutefois, les fonctions non-systémiques seraient soumises à une procédure ordinaire de faillite.

Enfin, dans son document de position, la FINMA rappelle les grands principes supplémentaires de ces procédures d’assainissement et de liquidation des banques d’importance systémique, par exemple l’importance de la création des plans de liquidation opérationnels, l’ajournement de la résiliation des contrats financiers pendant une période de 48 heures, ainsi que la compensation des créanciers lésés en cas de violation du principe susmentionné du « no creditor worse off ».

Nous saluons ce document de position ambitieux de la FINMA, qui permet à l’autorité de surveillance d’établir une certaine transparence de ses pratiques de crisis management concernant les deux banques d’importance systémique du pays et de promouvoir la prévisibilité pour les créanciers, les investisseurs et les autorités de surveillance étrangères. Il faut souligner cet esprit d’ouverture et de collaboration avec les autorités compétentes étrangères, sans, en même temps, vouloir cacher les difficultés de coopération et les tensions potentielles au niveau international. Néanmoins, malgré l’optimisme général et la confiance dans les résultats économiques du bail-in, la FINMA devrait prendre en considération et examiner d’une manière plus détaillée ses effets secondaires potentiels, qui pourrait transformer le bail-in en un vrai cauchemar juridique.