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Blanchiment d’argent

Mise en oeuvre en Suisse des recommandations révisées du GAFI

En tenant compte de la troisième révision des recommandations du Groupe d’action financière (février 2012), du troisième rapport d’évaluation de la Suisse par le GAFI (octobre 2005) et du rapport de suivi (octobre 2009), le Conseil fédéral vient de présenter un avant-projet de loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations révisées du GAFI (cf. rapport explicatif du 27 février 2013)
Les principales nouveautés de l’avant-projet sont les suivantes :
Transparence des personnes morales : En rejetant la solution de l’abrogation totale de l’action au porteur, l’avant-projet introduit un devoir d’annonce du détenteur d’actions au porteur de sociétés non cotées en bourse. En outre, dès lors que le détenteur d’actions nominatives et d’actions au porteur acquiert une participation d’au moins 25 %, il doit déclarer les ayants droit économiques à ces mêmes sociétés ou à un intermédiaire financier désigné par la société. L’objectif est d’assurer que le registre des actions et la liste des actionnaires et des ayants droit économiques soient accessibles en Suisse. Une violation des obligations d’annonce peut entraîner des sanctions, y incluses des sanctions pénales (nouveaux articles 327 et 327a CP). L’obligation de tenir un registre complet et accessible s’applique aussi aux sociétés à responsabilité limitée, aux sociétés coopératives, ainsi qu’aux sociétés d’investissement à capital variable. L’avant-projet prévoit aussi l’enregistrement au registre du commerce de toutes les fondations, y comprises les fondations de famille et les fondations ecclésiastiques (délai d’adaptation : deux ans).
Champ d’application de la LBA  : L’avant-projet renonce à l’assujettissement des négociants en biens immobiliers à la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d’argent (LBA). Même s’il ne s’agit pas d’une exigence découlant en soi de la révision des recommandations du GAFI, l’avant-projet interdit le paiement en espèces, si le prix convenu lors d’une vente immobilière ou d’une vente mobilière est supérieur à 100 000 francs. Pour effectuer le paiement de la part du prix excédant ce montant, les parties devront obligatoirement passer par un intermédiaire financier soumis à la LBA. L’avant-projet modifie également la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, en supprimant l’obligation de paiement en espèces.
Identification de l’ayant droit économique : La Recommandation 10 du GAFI exige que l’intermédiaire financier connaisse systématiquement l’ayant droit économique d’une relation d’affaires. L’avant-projet introduit formellement une obligation générale d’identification de l’ayant droit économique. Les personnes soumises à la LBA devront prendre des mesures raisonnables pour identifier les personnes physiques qui contrôlent en dernier lieu une personne morale. La LBA est modifiée par l’inclusion d’une obligation d’identification des ayants droit économiques de sociétés non cotées ou d’une filiale détenue majoritairement par de telles sociétés.
Personnes politiquement exposées : La Recommandation 12 du GAFI se réfère aux relations d’affaires avec des personnes politiquement exposées (PPE) et impose des obligations de diligence fondées sur les risques. L’avant-projet modifie la LBA, en y incluant une obligation générale d’identifier les PPE, ainsi que des obligations de diligence particulières relatives aux PPE nationales et aux PPE d’organisations internationales. Les obligations de diligence accrues à l’égard des PPE, réglées jusqu’à maintenant au niveau des ordonnances (notamment l’Ordonnance de la FINMA sur le blanchiment d’argent, OBA-FINMA) sont donc réglées au niveau de la loi.
Infractions préalables au blanchiment d’argent : Dans le cadre de la révision des Recommandations du GAFI, la liste minimale des infractions préalables au blanchiment a été étendue aux «  infractions fiscales pénales graves  » (cf. glossaire annexé aux 40 recommandations). En droit suisse, les infractions préalables au blanchiment sont, conformément à l’art. 305bis CP, les crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Néanmoins, en vertu de la législation actuelle en matière de fiscalité directe, aucune infraction ne constitue un crime. L’avant-projet introduit une nouvelle infraction préalable, constitutive d’un crime, sous la forme d’escroquerie fiscale qualifiée dans le domaine des impôts directs. L’infraction préalable au blanchiment qui existe déjà dans le domaine des impôts indirects (art. 14, al. 4 de la loi sur le droit pénal administratif) est étendue au-delà de la contrebande douanière ; la nouvelle infraction, constitutive d’un crime, vise également d’autres impôts, taxes ou droits prélevés par la Confédération dans la fiscalité indirecte.
Entraide judiciaire en matière pénale : L’avant-projet modifie la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’entraide pénale internationale (EIMP), pour que l’entraide judiciaire puisse être accordée pour les infractions préalables et le blanchiment du produit d’infractions préalables, y incluses les nouvelles infractions fiscales (nouvel article 3, al. 3, let. b. EIMP).
Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) : La Recommandation 29 du GAFI porte sur les compétences des cellules de renseignements financiers. Un projet de loi a été soumis aux Chambres fédérales l’an dernier (cf. le Message du Conseil fédéral du 27 juin 2012 relatif à la modification de la LBA et actualité n° 826, pour permettre au MROS de réclamer des informations complémentaires auprès de l’intermédiaire financier et d’échanger des informations financières avec les autorités homologues étrangères. Pour sa part, l’avant projet de 2013 permet au MROS d’obtenir, sur demande, d’autres autorités suisses, les informations nécessaires aux analyses des communications de soupçons. Enfin, l’avant-projet de 2013 abroge l’article 305ter al. 2 CP, pour fusionner les concepts du droit et de l’obligation de communiquer. Ainsi, il unifie les deux critères du soupçon, qui sont employés respectivement à l’article 9 LBA et l’article 305ter al. 2 CP.
Etapes suivantes : Le 27 février 2013, le Conseil fédéral a chargé le DFF de mener une procédure de consultation sur le projet de loi fédérale et la compatibilité de la réglementation suisse avec les nouvelles normes du GAFI. Cette procédure durera jusqu’au 15 juin 2013.