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Version finale de la circulaire de la Conférence suisse des impôts

La Conférence suisse des impôts (CSI) publiera en principe au mois d’octobre prochain une circulaire datée du 22 août 2007 visant à harmoniser les pratiques des autorités cantonales concernant le traitement fiscal des trusts.
La circulaire rappelle tout d’abord que le trust n’est pas une personne morale suisse ou étrangère et qu’il doit par conséquent être traité fiscalement de manière transparente. Les revenus et la fortune du trust sont donc attribués, en principe, soit au settlor, soit au(x) bénéficiaire(s). Le traitement fiscal des trusts doit donc être examiné du point de vue de ces deux protagonistes.
Si le settlor et les bénéficiaires ne sont pas domiciliés en suisse, la pratique fiscale actuelle reste inchangée. Par contre, la circulaire apporte quelques modifications par rapport à la pratique de certains cantons concernant l’attribution de la fortune du trust et ses rendements au settlor et au bénéficiaire, lorsque l’un ou l’autre a son domicile en Suisse.
Du point de vue du settlor, la question consiste à savoir si, lors de la constitution du trust, il s’est dessaisi des biens mis en trust. On distingue à cet égard les trusts irrévocables et les trusts révocables. Dans le premier cas, le dessaisissement est reconnu. Par conséquent, le settlor n’est plus redevable de l’impôt sur la fortune sur ces biens ni de l’impôt sur le revenu sur les rendements de ceux-ci. Leur transfert sera par ailleurs en principe qualifié de donation soumise à l’impôt cantonal sur les donations. En cas de trust révocable, les biens sont réputés ne pas avoir quitté le patrimoine du settlor, de sorte que ce dernier demeure imposable sur la fortune et les rendements du trust jusqu’au moment où les biens sont transférés au(x) bénéficiaire(s).
Ces règles étaient généralement reconnues par les cantons et ont été reprises dans la circulaire. La circulaire apporte cependant des précisions importantes concernant les conditions de la reconnaissance du transfert des biens au trust lorsque le settlor est domicilié en Suisse :
– Si le settlor est domicilié en Suisse lors de la constitution du trust, le dessaisissement ne peut être reconnu que si les biens mis en trust peuvent être attribués à un autre sujet fiscal. Par cette règle, les autorités fiscales entendent éviter que tout ou partie de la substance imposable, en l’occurrence la fortune, soit soustraite des impôts en raison du trust. Selon la circulaire, il y a attribution des biens à un autre sujet fiscal en cas de trust irrévocable « fixe », car les bénéficiaires sont traités comme des usufruitiers et donc imposés sur les revenus et la fortune du trust. A noter qu’à Genève, en cas de trust irrévocable discrétionnaire, les autorités fiscales ont reconnu en pratique jusqu’ici un dessaisissement partiel de la fortune ;
– Si le settlor est domicilié en Suisse au moment de la constitution du trust et s’il est au bénéfice d’une imposition au forfait, le dessaisissement est en principe reconnu. La circulaire n’est cependant pas claire quant à la question de savoir si cette règle s’applique également à la fortune « suisse » entrant dans le calcul de contrôle de l’imposition au forfait.
En ce qui concerne le prélèvement des droits de donation, la circulaire renvoie aux règles cantonales. Il faut savoir que les pratiques cantonales divergent quant au taux applicable (taux entre tiers ou taux applicable entre le settlor et le bénéficiaire le plus éloigné).
Du point de vue des bénéficiaires domiciliés par hypothèse en Suisse, on distingue les trusts fixes et les trusts discrétionnaires. Dans le premier cas, les bénéficiaires ont une créance ferme sur l’ensemble ou une partie des revenus du trust, alors que dans le deuxième cas, le trustee est libre de déterminer le moment de la distribution des biens, de sorte que les bénéficiaires n’ont qu’une expectative sur les biens du trust. Sous l’angle fiscal, les bénéficiaires d’un trust fixe sont traités comme des usufruitiers et donc imposés sur les revenus et la fortune du trust (à condition que le dessaisissement ait été reconnu lors de la constitution du trust). En revanche, les bénéficiaires d’un trust discrétionnaire ne sont pas imposables sur la fortune et les revenus aussi longtemps qu’ils ne disposent que d’une expectative sur la fortune et les rendements du trust.
Ces règles étaient généralement reconnues par les cantons et ont été reprises dans la circulaire. Cette dernière a cependant pris position sur des points qui ont été jusqu’ici l’objet de divergences :
– lors de la distribution de biens d’un trust discrétionnaire, ceux-ci sont imposables auprès du bénéficiaire, à l’exception des éléments qui correspondent à la distribution du capital versé par le settlor (capital en principe déjà soumis à l’impôt sur le donation lors de la constitution du trust) ; autrement dit, non seulement les rendements de la fortune sont imposables lors de la distribution (par exemple les dividendes), mais également les gains en capital réalisés sur la fortune du trust.
– aussi longtemps qu’il existe dans le trust des rendements ou des gains en capital, le capital ne peut pas être distribué aux bénéficiaires.
Si l’harmonisation des pratiques cantonales fiscales en matière de trusts peut être saluée, on regrette toutefois les solutions très sévères consacrées par les autorités dans cette directive.
En particulier, l’imposition des gains en capital réalisés par le trust constitue une modification très défavorable pour les bénéficiaires de trusts domiciliés dans les cantons qui exonéraient jusqu’ici ces revenus lors de la distribution, comme par exemple à Genève. En effet, les gains en capital représentent souvent une part très importante des fonds détenus par les trusts. Les cantons qui exonéraient les gains en capital jusqu’ici devront vraisemblablement s’interroger sur la mise en place d’une période transitoire. Il n’est du reste pas certain à ce jour que tous les cantons adaptent leur pratique aux règles de la circulaire.
En conclusion, le traitement fiscal des trusts prévu par la circulaire représente un changement de taille par rapport à la pratique de certains cantons. Compte tenu des enjeux liés au traitement fiscal des trusts, on peut se demander si les réflexions menées par les membres de la CSI n’auraient pas dû être menées au niveau législatif lors de la ratification de la Convention de la Haye, de manière à appréhender le traitement fiscal des trusts sans les limites du cadre légal en vigueur.
Texte de la Circulaire publié le 25 octobre 2007